Le gouvernement a publié, le 11 novembre, un nouveau texte de loi concernant les salariés vulnérables. Attention, il s’agit d’un décret en trompe-l’œil. Car à bien le lire, si la liste des pathologies retenues a été élargie, on s’aperçoit vite qu’il ne suffit plus d’être salarié vulnérable pour bénéficier de l’activité partielle, mais qu’il faut également que l’employé démontre qu’il se trouve en insécurité sur son lieu de travail.

Le gouvernement a publié, le 11 novembre, un nouveau texte de loi concernant les salariés vulnérables. Attention, il s’agit d’un décret en trompe-l’œil. Car à bien le lire, si la liste des pathologies retenues a été élargie, on s’aperçoit vite qu’il ne suffit plus d’être salarié vulnérable pour bénéficier de l’activité partielle, mais qu’il faut également que l’employé démontre qu’il se trouve en insécurité sur son lieu de travail. Cette double condition inquiète la Ligue contre l’obésité. En effet, pour elle, il s’agit d’un marché de dupes : plus de critères de vulnérabilité contre moins de sécurité sanitaire. En clair : l’Etat transfère à l’employeur les pleins pouvoirs pour décider ou non de la reprise du travail d’une personne souffrant d’obésité. Inadmissible alors que la vérité des chiffres en réanimation est cruelle et que la majorité des contaminations a lieu en entreprises. La Ligue contre l’obésité constate que les mesures de protection sur le lieu de travail visant à « limiter au maximum le risque d’exposition » (1) prévalent sur le certificat d’isolement délivré par un médecin. Ce décret vise, in fine, à conférer à l’employeur le pouvoir de décider de la vulnérabilité de ses salariés en érigeant les mesures barrières en entreprise en véritable « anti certificat médical ». Un employeur doit-il décider du risque sanitaire encouru par ses employés ? Et quid du secret médical dont relève tout arrêt de travail ? Face à ce nouveau décret, la Ligue contre l’obésité entend faire part de sa désapprobation.


Une manœuvre inique et perfide

Après avoir obtenu la suspension par le Conseil d’Etat du décret du 29 août obligeant les per- sonnes atteintes d’obésité à reprendre le chemin du travail dans un contexte d’emballement de la pandémie, la Ligue contre l’obésité estime que la manœuvre inique et perfide que les ministères du Travail et de la Santé viennent de dégainer prive de protection les personnes souffrant d’obésité. Car la combinaison législative, froide et administrative, consiste, non plus à s’attaquer au nombre de critères de vulnérabilité puisque déjà retoqué par la haute juridiction administrative, mais à donner cette fois les pleins pouvoirs à l’employeur afin qu’il décide si, oui ou non, les personnes en situation d’obésité doivent reprendre le travail en présentiel.
Si l’employeur, déjà seul décideur de la mise en place du télétravail, estime que les précautions sanitaires sont suffisantes dans son entreprise, il pourra passer outre le certificat médical qui, selon la Ligue contre l’obésité, est le seul acte à pouvoir garantir la santé, l’intégrité physique et la sécurité du patient.
La Ligue contre l’obésité n’exige pas le confinement de toutes les personnes à risque de contracter une forme grave de la Covid-19. Elle réclame, en revanche, le respect de l’avis émis par le médecin traitant, la liberté de choix des personnes fragiles et revendique le principe de précaution en permettant aux personnes atteintes d’obésité de continuer à accéder au chômage partiel dans les conditions prévues par le décret du 5 mai 2020, c’est à dire dès lors que le télétravail est impossible.


Mansuétude gouvernementale déguisée

Dans ce décret, la médecine du travail est opportunément érigée en juge suprême en cas de litige entre employeur et employé. Il ne s’agit-là que d’un acte de mansuétude gouvernementale déguisée. Car qui peut croire que les services de santé au travail, déjà débordés par tous les clusters déclarés dans les entreprises, peuvent évaluer et faire respecter au cas par cas, bureau par bureau, pathologie par pathologie, la situation des personnels vulnérables ? Comment le médecin du travail peut-il certifier que les précautions sanitaires et les gestes barrières soient respectés tout au long de la journée par tous les salariés, vulnérables ou non ?


Quel patient osera affronter son employeur ?

Et comment ne pas s’insurger face à ce projet de décret qui discriminera les personnes souffrant d’obésité dans leur milieu professionnel en les excluant immanquablement des lieux collectifs ?
Quel patient en situation d’obésité osera, malgré son certificat médical lui recommandant l’activité partielle, affronter son employeur au risque de recevoir au mieux une sanction, au pire de perdre son emploi ?
Quel regard porteront, par méconnaissance de la dangerosité de la Covid sur les personnes souffrant d’obésité, les collègues de travail sur un employé en conflit avec son employeur ? Une fois encore, les personnes atteintes d’obésité sont soumises à une quadruple peine : leur maladie, leur vulnérabilité face à la Covid-19, leur fragilité professionnelle, la discrimination dont elles sont victimes.
A l’évidence, les choix économiques du gouvernement s’embarrassent peu des victimes de l’obésité. Ce n’est pas acceptable pour la Ligue contre l’obésité qui dénonce, à travers ce nouveau texte de loi, un triste marché de dupes : plus de critères de vulnérabilité retenus contre moins de sécurité sanitaire assurée.


Un confinement aussi sélectif qu’injuste

Cette approche est d’autant plus hasardeuse et dangereuse pour les Français que les patients souffrant d’obésité peuplent déjà un très grand nombre de lits en réanimation dans tous les hôpitaux du pays. Un encombrement qui aurait pu être, en partie, évité si le gouvernement ne s’était pas obstiné à imposer, dés la fin de l’été, le retour au travail sans condition des patients atteints d’obésité.
Par des éclats de voix devant l’Assemblée nationale, le ministre de la Santé a très récemment rappelé le profil type du malade hospitalisé : jeune et souffrant d’obésité. Le dernier point épidémiologique de Santé Publique France publié le 5 novembre 2020 confirme cette vérité : 88% des patients admis en réanimation présentaient au moins une comorbidité, cette proportion était de 84% parmi ceux âgés de moins de 65 ans. Quant à l’obésité, elle est présente dans 48% des cas signalés.
Comment dans ces conditions particulièrement tragiques qui congestionnent nos hôpitaux, le gouvernement peut-il ordonner le travail en présentiel opposable ? Alors qu’il neutralise toute une partie de l’économie au nom de la circulation trop active du virus, alors qu’il prétend que la préservation de la santé constitue le pilier essentiel de sa politique, il soumet le destin des plus fragiles et leurs cohabitants au bon vouloir de l’employeur.
La saturation du système hospitalier n’est pas prête de s’arrêter. Et ce confinement, aussi sélectif qu’injuste, aussi.

(1) Décret n°2020-1365 du 10 novembre 2020