La crise sanitaire que nous vivons créée la peur, et la peur est un ingrédient clé pour que les discriminations prospèrent.

La crise sanitaire que nous vivons créée la peur, et la peur est un ingrédient clé pour que les discriminations prospèrent. La pandémie de la maladie du coronavirus 2019 (Covid-19) a mis au jour des fractures médicales, sociales et politiques au sein de notre société française, avec des réponses inadaptées, affectant de manière disproportionnée les personnes, déjà marginalisées, souffrant d’obésité. Une maladie qui se retrouve aujourd’hui en première ligne de la pandémie. Une maladie qui, douloureux constat scientifique, allonge quotidiennement la triste liste des décès en France comme partout sur la planète. Car oui, si l’obésité tue en temps normal, elle dévaste l’espèce humaine en temps de crise sanitaire. Une espèce humaine aussi bien capable d’actions remarquables que de détestables divisions. Les actes de discrimination se produisent dans des contextes médicaux, sociaux, politiques et historiques. Suite au lien physiopathologique entre l’obésité et l’épidémie du Covid-19, la discrimination envers les personnes atteintes d’obésité a augmenté. Cela comprend les actes individuels de violence et les formes collectives.
   

Effet répulsif, discours erroné

En ces temps anxiogènes d’épidémie de Covid-19, les grossophobes lorsqu’ils se « lâchent » sur les réseaux sociaux, expliquent que si les obèses sont plus à risques à ce virus, c’est probablement de leur « faute », parce qu’ils feraient « exprès » de rester « gros ». Un effet répulsif envers les patients souffrant d’obésité : il ne faut surtout pas leur ressembler. Des discours erronés qui renforcent la stigmatisation des personnes atteintes d’obésité. Comme à propos d’autres phénomènes de disqualifications et de stigmatisations (racisme, antisémitisme, haine des LGBT+), l’obésité fait couramment l’objet de représentations très négatives. Il est très probable que le Covid-19 renforcera les préjugés sur les personnes atteintes d’obésité.
   

L’État français concourt depuis au stéréotypage de l’obésité

Depuis vingt ans, les politiques de santé publique qui intègrent la lutte contre cette pathologie dans les Programmes nationaux de nutrition santé successifs (PNNS), sont responsables de la caractérisation actuelle par la société des personnes atteintes d’obésité comme étant des personnes « paresseuses » et « manquant de volonté ». L’État français concourt depuis toutes ces années au stéréotypage de l’obésité tant pour ses causes que ses traitements. Ne pas engager de campagnes publiques qui vulgarisent et fassent progresser la compréhension scientifique actuelle de l’obésité est irresponsable. Ne pas engager un programme public d’éducation autour de la stigmatisation de l’obésité et de ses conséquences délétères relève d’une cruelle indifférence. Les politiques de santé doivent être soigneusement réexaminées eu égard aux dramatiques conséquences que nous observons à l’occasion de cette crise sanitaire.
   

La réflexion sur l’après Covid-19 doit intégrer la lutte contre l’obésité

La force d’un système de santé est inséparable du contexte social plus large qui l’entoure. Les épidémies exigent de plus en plus de ressources et accentuent les difficultés des systèmes sociaux et économiques. La protection de la santé repose non seulement sur un système de santé qui fonctionne bien avec une couverture universelle, mais aussi sur l’inclusion sociale, la justice et la solidarité. En l’absence de ces facteurs, les inégalités sont amplifiées, le bouc émissaire persiste et la discrimination reste gravée dans les consciences. La division des uns et la peur des autres mèneront aux pires résultats pour tous. La réflexion sur l’après Covid-19 doit intégrer la lutte contre l’obésité, parent pauvre et oublié des maladies chroniques.

Agnès Maurin, directrice cofondatrice de la Ligue contre l’obésité