La Covid-19 met en lumière l’obésité de façon dramatique depuis le début de la pandémie.

La Covid-19 met en lumière l’obésité de façon dramatique depuis le début de la pandémie.
Point épidémiologique SPF (semaine du 5 novembre 2020) : 48% des personnes hospitalisées en service de réanimation sont des patients souffrants d’obésité (un niveau plancher très élevé, étant entendu que l’IMC n’est pas systématiquement renseigné pour tous les patients en réanimation)
Les avancées des données physiopathologiques, des recherches cliniques et des constats médico-économiques ont conduit à considérer l’obésité comme une situation pathogène, plus précisément une pathologie d’organes [1,2].
L’obésité résulte d’un processus chronique qui témoigne d’une mise en échec du système de contrôle du poids corporel ou plus exactement du contrôle des systèmes régulant la réserve énergétique sous forme de triglycérides dans le tissu adipeux. L’obésité résulte également de l’interaction défaillante de nombreux déterminants biologiques, économiques, sociaux et environnementaux dont la contribution respective varie selon les prédispositions génétiques et épigénétiques des individus [3].


Le Portugal, l’Italie et bientôt l’Allemagne

Les causes et facteurs sont complexes et nombreux. Mais il est temps, après plus de vingt-cinq années de conclusions scientifiques et de recherches fondamentales, que le ministère des Solidarités et de la Santé reconnaisse officiellement l’obésité comme une maladie chronique à part entière sans une association systémique de comorbidités.
La France, prise souvent en exemple pour l’efficacité de son système de santé, ne doit pas être la dernière nation en Europe à reconnaître l’obésité comme une maladie. Si le Portugal est passé à l’action en 2004, l’Italie a officiellement reconnu l’obésité comme une pathologie en 2019. L’Allemagne, elle, a enclenché le processus politique de reconnaissance depuis juillet 2020.
Pour la Ligue contre l’obésité, cette reconnaissance est primordiale afin d’accompagner et d’encourager la clinique de cette pathologie : tenter de reconnaître pour chaque patient quels sont les facteurs et les mécanismes qui paraissent prédominer et quels sont ceux qui sont accessibles au traitement [4].


Une conférence de consensus pour s’attaquer frontalement à l’obésité

La Ligue contre l’obésité préconise, à l’instar de la Cinquième conférence ministérielle sur l’environnement et la santé de Parme (2010) et la Déclaration consensuelle d’Uppsala sur les contaminants environnementaux et l’épidémie mondiale d’obésité (2015), que la France organise, enfin à son tour, une conférence de consensus afin de s’attaquer frontalement à la maladie obésité.
Pour la Ligue contre l’obésité, sans reconnaissance officielle, l’obésité continuera de progresser, en laissant les personnes atteintes d’obésité livrées à elles-mêmes et donc happées par le marché de la minceur, dont les courbes de croissance sont tristement parallèles à celle de la pathologie.


Le statut d’ALD !

L’obésité ne peut plus attendre son statut d’Affection longue durée (ALD). Ne pouvons-nous pas commencer par une expérimentation sur les personnes souffrant d’obésité massive qui correspondent à environ 8% de la totalité des patients atteints de cette pathologie et ainsi maîtriser les dépenses de soins ?
Dans le cadre de l’épidémie de la Covid-19, et de manière générale, la non reconnaissance en ALD confère aux patients atteints d’obésité une position inégalitaire vis-à-vis des autres malades chroniques : non accessibilité au certificat d’isolement en ligne, pas de réception du bon de prise en charge pour l’indispensable vaccination contre la grippe, et pas de prise en charge des transports médicaux, pour ne citer que quelques injustices.


Erreur d’approche médicale, erreur de communication

Autre conséquence de la non communication à propos de l’obésité par l’Etat français : la discrimination dont sont victimes les personnes souffrant d’obésité augmente de façon proportionnelle à la prévalence de la pathologie.
Avoir intégré l’obésité aux actions des PNNS de 2001 à aujourd’hui, constitue une erreur d’approche médicale : augmentation des recours aux régimes [5], entrave à l’accès à la prévention, aux soins, au dépistage et aux droits.
Avoir intégrer l’obésité aux actions des PNNS de 2001 à aujourd’hui, constitue également une erreur de communication. Cette stratégie est aussi, en partie, à l’origine de la progression la discrimination.


Surpoids et obésité en hausse de 8,3% entre 2001 et 2012

Deux tiers des Français (67%) estime que perdre du poids est avant tout une question de volonté. Plus de la moitié des Français (62%) pense que l’obésité est avant tout due à des choix alimentaires et à un manque d’activité physique.
Impensable, et pourtant : 55% des Français considèrent qu’il ne faut pas hésiter à mettre les personnes en situation d’obésité face à leurs responsabilités. Ceci a même aujourd’hui un nom : le Fat shaming.[6]
Le surpoids et l’obésité chez les adultes ont augmenté de 8,3%, entre 2001 et 2012 (soit une progression de 39 à 47,3% de la population), tandis que, sur la même période, les objectifs des PNNS 1 et 2 s’engageaient à réduire le surpoids et l’obésité chez les adultes une première fois de 20% et une deuxième fois de 20%. A l’évidence, les objectifs sont ratés.


La Ligue contre l’obésité réclame cette approche globale

Pour la Ligue, un plan obésité, dans la lignée de celui de 2010 qui a eu pour effet majeur d’améliorer les prises en charge de 2ème et 3ème recours, doit maintenant s’attaquer au 1er recours et à la discrimination.
Pour la Ligue, des campagnes de communication spécifiques à la pathologie doivent être initiées en insistant sur les nombreuses causes de cette maladie, ainsi que sur les conséquences de la grossophobie.
La Ligue contre l’obésité estime que l’approche institutionnelle de l’obésité est plus « mosaïque » que stratégique, chaque instance envisageant le sujet à l’aune de son périmètre d’action sans coordination réelle avec les autres acteurs.
La Ligue constate que la Direction générale de la santé (DGS) a centré, de longue date, son action sur les questions de nutrition et le Programme national nutrition santé (PNNS). Plutôt que de traiter spécifiquement l’obésité comme une maladie chronique, la DGS l’appréhende sous l’angle de ses facteurs de risques (souvent réduit à la nutrition et la sédentarité) et de ses comorbidités (diabète, hypertension,..). Ce choix stratégique a placé au deuxième rang la lutte contre l’obésité qui ne relève pas de la sous-direction compétente pour les maladies chroniques (DGS/SP5).
La Ligue reconnaît, en revanche, que la CNAMTS (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés) paraît avoir le souci d’une vision globale, consciente des liens entre les différentes problématiques, prévention primaire et secondaire, prise en charge chirurgicale pré et post, ainsi que des risques et des coûts évitables dans le cadre d’une approche systémique et articulée de la problématique.
La Ligue réclame cette approche globale alliant connaissances épidémiologiques, formations des parties prenantes, informations du public et des patients, contrôle et suivi des procédures.


Agnes MAURIN


Bibliographie
[1] Wisse BE, Kim F, Schwartz MW. An integrative view of obesity. Science 2007.
[2] Gortmaker SL, Swinburn BA, Levy D et al. Changing the future of obesity: science, policy and action. Lancet 2011.
[3] Hall KD, Sacks G, Chandramohan D et al. Quantification of the effect of energy imbalance on bodyweight. Lancet 2011.
[4] Basdevant A. Médecine et chirurgie de l’obésité. Médecine Sciences Publications, Lavoisier Éditeur (Paris) 2011.
[5] Rapport d’expertise collective de l’ANSES - Edition scientifique - novembre 2010.
[6] Enquête Odoxa « Regard des Français sur l’obésité » - 5/6 février 2020.