[Tribune] Lettre au président de la République pour « Faire de la santé environnementale un pilier du système de santé français »
Candidat à l’élection présidentielle, vous évoquiez dans votre programme cinq défis - épidémiologique, technologique, écologique et environnemental, démo- cratique, économique - pour notre système de santé. En conséquence, vous vous engagiez à faire de la santé environnementale une priorité du quinquennat et plus particulièrement à soutenir la recherche en santé environnementale et à limiter les risques d’exposition aux substances à risque. La Commission européenne vient de se positionner dans le cadre du Green Deal européen sur un objectif de « Zéro pollution d’ici 2030 ». La France a adopté à l’Assemblée générale de l’ONU en 2015 les Objectifs de Développement durable, dont la diminution de la mortalité prématurée liée aux maladies chroniques de 30% et l’arrêt de la progression de l’obésité et du diabète d’ici 2030. Ces objectifs ont été réaffirmés lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2018. Le contexte sanitaire actuel, caractérisé par la mortalité plus élevée des malades chroniques, plus particulièrement des personnes souffrant d’obésité et de diabète, mais aussi par l’augmentation constante du nombre de cancers (qui affectent de plus en plus d’enfants, causant plus de 6 000 décès par an en Europe, soit l’équivalent de 240 classes d’écoles), démontre qu’il est urgent de mettre en œuvre une politique pour les atteindre. Par ailleurs, il est capital de tenir compte de l’augmentation des pathologies et syndromes impactant directement la fertilité humaine et de l’émergence croissante des hypersensibilités environnementales chimiques et électromagnétiques, sous-estimées, aux mécanismes très mal connus et dont les répercussions socio-professionnelles peuvent être catastrophiques. D’autant qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement spécifique hormis la réduction drastique de l’exposition. Le 3 septembre 2020, à propos du plan de relance 2020, vous déclariez : « Cette stratégie que nous allons lancer, ça n’est pas une stratégie pour faire face aux difficultés du moment. Non, c’est pour préparer la France de 2030 ». Les 29 associations signataires de la tribune « Faire de la santé environne- mentale un pilier du système de santé » parue dans Libération le 9 décembre 2020 (cliquez ici) sont convaincues de l’urgence à intégrer dès aujourd’hui ces problématiques pour relever ces défis pour la décennie à venir. Elles sont engagées de longue date pour promouvoir la santé environnementale, notamment en contribuant à l’adoption de la Stratégie Nationale Perturbateurs Endocriniens (SNPE), ce qui a contribué à faire de la France le pays le plus avancé dans ce domaine en Europe et en participant depuis plus de dix ans au Plan National Santé Environnement (PNSE) et au Groupe Santé Environnement (GSE). Elles sont prêtes à se mobiliser pour atteindre les objectifs auxquels la France a souscrit. La crise sanitaire doit conduire en effet à repenser notre politique de santé pour soulager notre système de soin du poids croissant des maladies chroniques en établissant le second pilier du système de santé : la santé environnementale. À cet effet, il convient de transformer l’actuel Groupe Santé-Environnement (GSE), composé de façon informelle, sans appel à candidatures et dont 40% des membres sont issus d’administrations d’État, comme le rappelait Madame Béatrice Buguet, Inspectrice générale des affaires sociales (IGAS), lors de son audition par la commission d’enquête sur les politiques publiques de santé environnementale le 16 septembre 2020. Le GSE doit devenir un véritable Parlement de la santé environnementale impliquant les associations citoyennes de défense de l’environnement, des consommateurs, des usagers de santé, des associations familiales et de professionnels ainsi que des syndicats de professionnels de santé. La commission d’enquête sur la santé environnementale portée par Madame la Députée Sandrine Josso, dont le rapport a été voté à l’unanimité, a porté un jugement sévère sur la façon dont est menée aujourd’hui la politique de santé environnementale. Elle note en particulier que le PNSE 4 correspondait à des travaux préparatoires remontant à juin 2019 sans prendre en compte ni les leçons de la crise sanitaire, ni les conséquences de la crise climatique. Le comité de suivi de la SNPE ne s’est pas réuni depuis l’adoption de la deuxième phase en septembre 2019. Le GSE est actuellement paralysé. Cette situation ne peut perdurer. C’est en associant les mouvements citoyens engagés dans la santé environnementale au GSE que nous pourrons préparer la France de 2030 et éviter de nouvelles crises sanitaires, économiques et sociales en construisant cette politique sur un nouveau paradigme, d’autant que les inégalités sociales croissantes sont corrélées aux inégalités environnementales (malbouffe, habitat dégradé, etc.). C’est la raison pour laquelle, Monsieur le Président de la République, nous vous demandons de traduire votre volonté de préparer notre pays pour faire face aux crises sanitaires en prenant position sur les bases définies par le rapport de la mission parlementaire et plus particulièrement de donner les directives pour faire du Groupe Santé-Environnement le parlement de la Santé environnementale comme l’ont recommandé les rapports des Inspections générales Santé et Environnement dans leur bilan du PNSE3. Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.